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mardi 9 mars 2010

Revue de presse et lecture - au ras de l'actualité

 
Un message de Perrine Chambaud, professeur-documentaliste au Collège Pierre Delarbre de Vernoux-en-Vivarais   :
 
"Un article ci-joint en plein dans le thème !"

Livre électronique : état des lieux, décembre 2009

Un dossier d’Educnet

Pour faire le point sur le livre numérique, la revue de presse de décembre 2009, sur le site Educnet, rappelle les définitions et les enjeux de la numérisation, recense les innovations et interroge sur la notion de bibliothèqiue numérique.

Prenez connaissance du dossier


Des nouvelles intéressantes sur LaFeuille d’Hubert Guilhaud sur Homo Numericus... Provisoirement interrompues par la lecture de "la métamorphose des objets" de Frédéric Kaplan, et de textes d’Alain Giffard sur Skhole.

 Par ordre chronologique :


       Imprimer des circuits électroniques dans les livres

Une ressource qui n’en est qu’à ses débuts. « Pour l’instant, ça ressemble à ces affreuses cartes de vœux musicales... Mais qui sait de quoi demain nos livres seront imprimés ! »

D’autant qu’à lire Kaplan on se rend compte « qu’une partie de l’électronique encore cachée sous la peau de la machine » pourrait bien finir « par s’innerver au sein du tissu lui-même » (du textile donc [1])

Quant à l’écran, il pourrait, flexible et mobile, suivre vos déplacements dans la pièce après vous avoir identifié pour répondre à vos besoins transmis sans souris, à distance, par gestes... La table-écran serait un outil idéal pour le travail d’équipe...

D’autres objets-interfaces devraient apparaître tous connectés à ce que Kaplan appelle « l’ordinateur planétaire » - ordinateur ou réseau d’ordinateurs regroupés susceptibles de stocker toutes les données de la planète et d’effectuer toutes les opérations nécessaires avec une puissance et une efficacité démultipliées... Le livre n’échappe à cette évolution...

« La métamorphose des objets » déjà, est livre lié à un site internet où on peut lire chaque page, voir la répartition des commentaires, voir commentaires, bookmark, vidéos et photos. Et, bien sûr, on peut y laisser la marque de son passage.


Quel devenir du livre dans ce contexte ?

Pour Kaplan, le numérique n’a pas tué l’imprimé et ne le fera pas parce que c’est au niveau de l’interface que se situe l’enjeu de la lecture et non à celui du support de stockage.

Et au niveau de l’interface, Kaplan introduit déjà des lampes en bibliothèque, lampes qui pourraient être le catalyseur de rencontres inédites pour lesquelles le livre est le médiateur par excellence.


Donc de nouvelles pratiques associant l’imprimé et le projeté (issu de sources diverses), le résultat de collectes et réflexions personnelles, et pouvant donner lieu à de nouvelles publications imprimées ou imprimables, entre albums photos, carnet de notes personnelles ou autres modes d’archivage...


Donc des mixtes composites pour lesquels le livre physique sera une interface ouvrant la voie , un peu comme les adresses Internet ou les QRcodes dans son livre.


D’autres objets-interfaces devraient faciliter les apprentissages collaboratifs et réguler un travail de groupe qui privilégie celui qui parle, élaborant, explicitant, synthétisant pour ce faire. D’où l’idée de la table conversationnelle permettant de prendre du recul par rapport aux échanges verbaux et de les réguler. De la réflection à la réflexion.

Plus que les albums photos ou les cassettes vidéo ces nouveaux interfaces rappellent à chacun son passé, entre outils de lucidité et obstacles au nécessaire travail d’oubli.

Ce qui renvoie à l’exposition Sophie Calle d’il y a quelques années au centre Pompidou avec son incessante réécriture de la lettre de rupture. Sophie Calle d’ailleurs citée par Kaplan :


Des outils du meilleur et du pire selon le cas pourrait-on penser, d’où l’importance de la réflexion prospective pour orienter les débats et les choix.

Table-écran pour travail collaboratif ou pour pister chacun ? Plus profondément, par delà ces alternatives binaires, quelles pratiques avec ces nouvelles interfaces pour mieux se connaître, appréhender les possibles, choisir et se construire dans la société et le monde ?



Ceci conduit évidemment à s’interroger sur les compétences à acquérir et nous ramène à Guilhaud et LaFeuille : Le lecteur moderne doit savoir décoder la lecture classique et la lecture numérique, Écrit-il ce 19 janvier, renvoyant à Alain Giffard et son blog. Et à ce remarquable article « Lecture numérique et Culture écrite », où Giffard assimile la navigation initiale sur le net à une « pré-lecture. » A faire suivre donc d’une vraie lecture et à ne pas confondre avec celle-ci.


« L’activité de repérage avant de collecter et produire le texte à lire nécessite une double compétence : sur les textes, mais aussi sur la technologie numérique [2].

Le lecteur qui n’a pas cette compétence en reste à la prélecture. (...) Lorsqu’on forme à la navigation sans insister sur le fait qu’elle doit être suivie par une lecture attentive, comment éviter que beaucoup d’internautes, notamment parmi les jeunes, confondent pré-lecture et lecture, navigation et lecture numérique et croient qu’elle peut remplacer la lecture classique ? »

Voilà qui nous renvoie au travail effectué au Collège de Vernoux : après un premier balayage des textes des duos par ceux-ci, de l’ordre de la pré-lecture, une lecture plus sélective pour mettre en rapport images à insérer et texte [3] puis une lecture plus interprétative pour insérer des hyperliens.

Lors de la découverte du « livre » d’ensemble, lecture à la fois plus synthétique, la perception de l’ensemble amenant une réévaluation de chaque partie (toujours la lecture classique) mais mise en place progressive d’une lecture numérique nouvelle passant par le tri et la catégorisation des hyperliens et la belle interrogation surgie dans un groupe sur le nombre de niveaux d’hyperliens compatible à la fois avec l’enrichissement et la lisibilité du texte.

"(...) Situation étonnante : la lecture-consommation, telle que la porte l’espace des lectures industrielles suppose un lecteur amateur, responsable, compétent... c’est-à-dire très exactement le contraire du consommateur.


La lecture numérique appelle ce que l’étude d’Olivier Donnat nomme « cumul des modes d’accès », c’est-à-dire une double formation, à la lecture classique et au numérique. Toute autre orientation ne peut être qu’une catastrophe cognitive et culturelle. "

Par ailleurs, Guilhaud rappelle que par delà le livre imprimé, inscrit dans un espace physique, matériel, dans le temps et l’espace et le livre numérique, inscrit dans un espace virtuel qui privilégie structure logique, organisation et articulations, appartenance à un réseau, il y a le texte, né d’une création, irréductible à ces environnements physique ou virtuel.


Il cite Giffard qui apporte un éclairage intéressant sur la lecture numérique, « devenue une pratique culturelle ». D’où la question : « Comment la lecture numérique, comme culture et comme pratique, prend-elle place dans la culture écrite ? »


Cela dans le contexte, depuis une trentaine d’années, d’une baisse générale, significative et avérée de la lecture sur le long terme qui n’est pas une conséquence du numérique, d’une part, et, d’autre part, du développement du numérique.


L’étude du Ministère de la Culture et de la Communication contient précisément une tentative pour proposer un modèle du rapport à la culture et aux médias, en fonction du milieu social, de l’âge et du genre qui, pour la première fois, intègre le numérique.


Ce tableau distingue quatre configurations d’accès à la culture et aux médias :

- « l’imprimé média central »,
- « la télévision média hégémonique »,
- « la culture d’écran », et
- le « cumul des modes d’accès ».

Dans le « milieu socio-culturel défavorisé », c’est la télévision qui joue le rôle de mode d’accès hégémonique pour les plus de 45 ans, cependant que la culture d’écran caractérise les jeunes. Dans la génération des 30-44 ans, les hommes penchent du côté de la culture d’écran, les femmes vers l’imprimé. Le « milieu socio-culturel favorisé » pratique le cumul de tous les modes d’accès, sauf chez les générations nées avant guerre (65 ans et plus) qui restent centrées sur l’imprimé. Le milieu socio-culturel moyen est celui qui connaît la plus grande diversité de configurations.

Donc une polarisation des différents rapports à la culture et une fragmentation qui interroge.

La lecture numérique existe, depuis l’invention du web. Mais l’acte de lecture numérique est compliqué et difficile.

"Ce que requièrent le texte et le medium numériques, c’est la capacité à articuler les différentes vitesses de lecture, et non la seule lecture rapide enchaînant les clics. Le lecteur doit combiner le survol du web et l’exploration méthodique de certains liens intertextuels, enchaîner la scrutation d’un texte donné et sa lecture soutenue".

Alain Giffard insiste sur le fait que la lecture numérique semble être aussi le lieu d’une confusion entre la pré-lecture et la lecture.

"La navigation initiale est une sorte de pré-lecture. Or la pré-lecture ne vaut que si elle est effectivement suivie d’une lecture. L’activité de repérage avant de collecter et produire le texte à lire nécessite une double compétence : sur les textes, mais aussi sur la technologie numérique (par exemple, savoir distinguer les différentes fonctions du lien hypertextuel). Le lecteur qui n’a pas cette compétence en reste à la prélecture"...

Il est indispensable de replacer la lecture numérique dans le cadre de la lecture en général..

"Savoir si la lecture est menée de telle manière qu’elle encourage ou non la réflexion est non seulement une question fondamentale mais la question à adresser à toute lecture, y compris la lecture numérique."

Des exigences ou distinctions négligées ou brouillées par la commercialisation des lectures et des lecteurs...

Et ce paradoxe, souligné avec insistance : "la lecture-consommation suppose un lecteur amateur, responsable, compétent, qui adopte la lecture comme technique de soi, c’est-à-dire très exactement le contraire du consommateur".


Ce qui peut explique le constat du poids des inégalités socioculturelles : la lecture numérique appelle ce que l’étude d’Olivier Donnat nomme "cumul des modes d’accès", résultat d’une double formation, à la lecture classique et au numérique et apanage des plus hauts niveaux d’étude.

"Toute autre orientation ne peut être qu’une catastrophe cognitive et culturelle" écrit Giffard.

La nécessité d’un immense effort au niveau des formations scolaires et de l’Education populaire...

C’est bien ce que nous pensions. [4]


Lectures recommandées, crayon ou souris à la main [5], des textes de Guilhaud, Giffard [6], du livre de Kaplan et de l’étude de Donnat [7]


Jacqueline Cimaz

[1] quand on pense à certaine installation mouvante d’Annette Messager que nous avons vue à Beaubourg...
[2] par exemple, savoir distinguer les différentes fonctions du lien hypertextuel
[3] Il faudra bien aussi revenir sur la lecture de l’image et les nouvelles formes et exigences de cette lecture à l’ère du numérique. Nous y reviendrons déjà à partir de l’intervention en janvier de Pierre Ménard aux Beaux-Arts de Valence et des recherches de Luc Dall Armellina (professeur dans cette école), accesibles sur son site... L’écriture "transmedia" aussi ... et le passionnant cube d’HBO...
[4] C’est ce sur quoi notre modeste pratique de Bibliothécaires bénévoles en milieu rural, dans une Bibliothèque équipée d’un Point d’Accès Public à Internet, et devenue, de fait, EPN, nous questionne toujours plus...
[5] il suffit de les copier/coller du site sur word ou Open office pour pouvoir surligner, déplacer, rapprocher, commenter - travailler et faire parler un texte qui vous parle
[6] Nous reviendrons sur Skhole et Vygotski avec la recherche d’un texte perdu sur les oeuvres d’art comme médiations symboliques constitutives de la personne
[7] Possibilité d’accéder aux sites et autres textes en ligne en bibliothèque. La publication de l’étude d’Olivier Donnat et le livre cité de Kaplan seront bientôt en prêt à la Bibliothèque

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