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dimanche 4 octobre 2009

Le beau cadeau de Bernard Stora, outil pour une nouvelle synthèse



Suite au message de Bernard Stora, j’ai écouté l’émission de France-Culture.
Des réponses de Marin Dacos, Virginie Clayssen, et Hubert Guillaud qui confortent le choix du projet sur le livre numérique et le cheminement fait. Pourtant en notes, quelques précisions ou remarques qui découlent de notre expérience.

Il y a urgence pour la réflexion... Voyez le Monde de ce dimanche 17 octobre. Quel numérique ? Quelle place pour la création ? Combien de temps pouvoir résister disait PM ?

L’émission partait en guerre contre sept lieux communs.

1. Le livre électronique est d’abord une question de support ?

Du débat il ressort qu’il y devrait y avoir de nombreux supports et usages, qu’on n’en est qu’à la préhistoire de l’édition numérique, que la question de l’accès est la plus importante que celle du support, qu’il faut aller chercher le lecteur là où il est... [1]

2. Le livre numérique signe la mort du livre papier ?

Absurde, le livre numérique ne va pas enterrer le livre papier mais va développer une diversité des usages et supports en fonction des besoins, des intérêts. La question ne se pose pas en termes de substitution mais de complémentarité, de plus dans un contexte de bouleversement des références culturelles, d’apparition d’une « culture-jeunes » inédite.
Les réponses, en effet, pointent aussi ce changement de culture, un « glissement culturel », l’émergence d’autres modes de construction des connaissances... et la nécessité d’un accompagnement pour développer de nouvelles compétences...
L’usage de l’Internet, a-t-il été dit, tendrait à diminuer la capacité de lire des textes longs, ce que réfutent les participants soulignant que celle-ci n’est pas évidente, avec ou sans Internet.
Des niches d’utilisation ont plus ou moins été dégagées en fonction des types de textes et d’usages. En fait l’évolution des pratiques, notamment quant à la lecture de romans sur support numérique, amène à les nuancer sinon les contredire. Actuellement, on ne sait pas. Le recul est insuffisant, il n’y pas la durée nécessaire à des recherches de fond...
Par ailleurs des constats nouveaux interfèrent. A partir par exemple des rapports entre taille du livre et nombre de lecteurs attendus. Du tirage papier d’un résumé pour vulgarisation pour un large public à l’édition numérique complète comme preuve scientifique pour un petit nombre de chercheurs, quels intermédiaires ?
De plus, les diverses liseuses ne donnent pas satisfaction. Mais quels étaient les critères de lisibilité du livre papier à l’an 14 de Gutemberg ? Il faut prendre le temps de faire des pronostics et de tester. Certains usages à naître vont imposer certaines formes... On parle du livre, mais le livre électronique est toujours rematérialisé sous une forme ou une autre. Le livre papier pourrait n’être qu’un terminal comme un autre, adapté à des besoins particuliers. A voir, il y a nécessité d’exploration de données...

3. La lecture en ligne ou en réseau serait une lecture discrète [2]

On balbutie ; la pensée n’a pas disparu ! Ce qui dérange lorsqu’on lit en ligne, c’est ce qui est extérieur comme l’arrivée de mails, flux d’informations. C’est le réseau qui distrait de la lecture comme un coup de sonnette, de téléphone ou des éclats de voix dans la rue...
On a dit, peut-être un peu vite, qu’il y aurait plus d’activité cérébrale avec la lecture numérique, plus de choix à effectuer. C’est à étudier. L’activité cérébrale est différente. Les hyperliens activent les zones de la décisions. On choisit ou non de cliquer.
Bientôt des livres sur les DS ?

Le débat ne peut se réduire à une querelle des anciens et des modernes... Les élèves photographiés par Doisneau étaient distraits par des oiseaux, non par des SMS, mais la distraction est de tout temps. Et de tout temps, plus on s’est concentré et plus on est allé loin dans les études. Il est donc faux de dire qu’à cause d’Internet on n’arriverait plus à se concentrer. Cela était aussi avec le livre papier... [3]

Le livre papier peut n’être aussi qu’un marqueur social dans sa bibliothèque.

Le numérique suscite une lecture utile, plus dispersée, plus riche. Il permet le développement d’heuristiques. [4]

Le problème a été soulevé de la pléthore informationnelle, qui oblige, pour s’en tirer, à être plus sélectif, plus rapide dans la prise de décision.

Et là il est dit par un des participants que « la coopération » remplace sur le Net la culture du génie. Qui s’en plaindrait ? Que la lecture connectée ouvre la porte à d’autres formes de lecture et au partage des annotations... Que la nature du support se fait oublier dans la lecture...

Le numérique facilite la recherche documentaire. Par contre il est difficile d’annoter, de griffonner, même si certaines liseuses commencent à offrir un espace aux annotations et échanges d’annotations...

4. Un livre numérique n’est-il qu’un livre qu’on lit sur écran ?

Le livre inscriptible existe. Hubert Guilhaud parle du « read writte web » : lire mais aussi écrire, jouer, partager des notes... Des livres numériques supports de lecture et de communication.... Et de plus des livres où on peut proposer de la vidéo, du son, le livre - version numérique, et le livre audio, et le commentaire. [5]

Ce qu’évoquent les invités de l’émission, insistant sur l’importance de la numérisatuion du patrimoine, mais aussi sur l’invention du livre de demain, par des équipes pluridisciplinaires avec des auteurs mais aussi des plasticiens, des musiciens, des informaticiens bien sûr,... et créant des objets mixtes, complexes...des « livres augmentés » ?

Une place intéressante là pour l’édition numérique, l’édition en réseau... Des livres dont les lecteurs propageraient aussi la diffusion, de bouche à oreille, par recommandations... à divers niveaux... Où le livre est vecteur d’échanges.

Des objets complexes, avec leurs recommandations, qu’il sera difficile de re-publier papier....

5. L’edition numérique signe la disparition de l’éditeur ?

Faux ! La menace vient de la surinformation. L’éditeur vend son choix de sélection, un service, un travail de tri. Le métier va évoluer, mais il y aura plus que jamais besoin d’éditeurs qui choisissent, mettent en forme, interviennent... L’auto-édition se développe et l’éditeur devient aussi éditeur d’auto-édition. Les deux sont complémentaires.

Plus haut que l’éditeur, par contre, il y a les concentrateurs qui contrôlent la distribution (Google, Amazone...) Le risque, là, est accru pour les petits éditeurs, dont le travail est plus dur dans le numérique car il est plus cher d’éditer du numérique, de mettre en forme. Il y a aussi la concurrence, et plus de textes que de gens pour les lire. Comment capter l’attention du public, des structures qui vendent les applications ? Certains titres ont été exclus sous Iphone, un problème au cœur du nœud de diffusion...

Le problème n’est pas du numérique mais de la concentration, que le numérique accroit. En même temps il offre des capillarités, des opportunités pour trouver des moyens de contournement, faire que les périphéries ne soient pas écartées, que les petits ne soient pas dissous...

6. La question du libraire ?

Elle se pose. Il existe déjà des libraires qui distribuent en ligne, sans librairie, de chez eux. Par contre la présence de la vente de livres numériques en librairie physique est très rare. Elle ne peut se développer que s’il y a contrôle du prix du livre numérique.

Il y a aussi, à résoudre, la question du piratage, celle du libre accès à certains textes scientifiques. Quels modèles trouver pour financer les auteurs dans un autre cadre ?

7. l’édition numérique signe la fin de l’auteur ?

Cette question n’a pu être abordée faute de temps.


Il nous semble qu’il faudrait distinguer certains abus de la grande distribution , à maîtriser si faire se peut, et le domaine des écritures collaboratives où les auteurs restent nommés mais où l’objet mixte produit peut être beaucoup plus que la somme des apports de chacun s’il y a finalement fonctionnement d’un intellectuel collectif... A suivre...

Jacqueline Cimaz

NB. Notes partielles, non suivies d’une réécoute de l’émission. Notes destinées à inciter à son écoute, et à susciter des échanges... y compris sur des points non abordés [6]



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[1] Nous ajouterions que tout support suscitant des pratiques susceptibles de réduire la fracture numérique et de développer la réflexion parait intéressant et qu’en ce domaine comme dans d’autres, la diversité est souhaitable en fonction des usages et intérêts, et aussi de l’espace laissé à des utilisations innovantes.

[2] où « discrète » = fragmentée)

[3] Des études sur l‘ « échec scolaire » avaient montré il y a quelques décennies comment la non disponibilité psychologique liée à des problèmes sociaux, familiaux et/ou culturels rendait quasiment impossible l’investissement scolaire nécessaire.

[4] Un constat que nous avions fait, la construction de stratégies de recherche et construction personnelles, dans laquelle jouent les références culturelles, l’expérience, la projection dans le temps et la capacité de choix et de prise de décision, et donc de prise de risque, de pari. Le risque étant là sans conséquences graves, l’entraînement est intéressant. D’où la construction de logiciels de simulation, il y a quelques années, en mathématique, dans le cadre de la recherche pédagogique...

[5] Voilà qui est au cœur de nos préoccupations - complémentarité certes entre livre papier et livre numérique mais aussi numérique qui ne soit pas que du numérisé mais intègre justement, les ressources spécifiques du numérique, en matière d’interactivité, d’hyperliens, d’associations texte donné/annotations, commentaires ou réécriture, texte/son/images fixes ou mobiles... Ce qui avait fait refuser à Jean-Pascal Dubost qu’un de ses livres écrits et imprimés soit publié sur écran par Publie-Net, parce qu’il l’aurait sans doute écrit autrement s’il avait écrit pour l’écran... Ce qui nous a amenés à nous intéresser particulièrement au travail de Pierre Ménard dans et aux marges de Publie-Net pour introduire le son, la vidéo... à l’évolution des liseuses de Publie-Net, et de Publie-Net tout simplement dans un contexte difficile... Ce qui nous a amenés aussi à nous interroger sur l’écriture numérique, cette écriture dont la spécificité était dessinée en creux par Dubost et à suivre de près la poésie numérique - y compris dans ses retranchements où on parle de poésie sans mots - et surtout ces recherches qui foisonnent à la jonction de la poésie et des arts plastiques et éventuellement du son, du run-book de Wattier aux blogs-carnets de notes, des DVD d’Incidences à certaines performances de Nantes, de la Cité Universitaire ou d’ailleurs...

[6] les libraires certes, mais les bibliothécaires - dans les grosses Bibliothèques-médiathèques urbaines, et dans le réseau rural des toutes petites bibliothèques ?
les apprentissages de l’écriture numérique et de la lecture numérique - quelque chose dont Julia Bonaccorsi nous parlera le 14 novembre - avec les compétences spécifiques, nouvelles et toujours plus élaborées qu’ils demandent - des questions qui se posent en Bibliothèques, centres de loisirs et dans le système scolaire. Et corollaire : la formation initiale et continue des professeurs d’école, collège, lycée... Existe-t-il des textes prospectifs en la matière qui seraient instructifs pour tous ?



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